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Livres vs. Adaptations

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Flamel:
bah j'ai vraiment du mal a voir a quel moment les œuvres de Heinlein sont de la satire. Il a certainement écrit pas mal de trucs qui relèvent juste du pulp pur et simple cela dit. Attention, ce n'est pas un mauvais auteur, hein, c'est juste qu'il n'est pas trop subtil.

Perso j'ai lu Etoiles, garde à vous, En terre étrangère, les trois premiers recueils de l'Histoire du futur, Révolte sur la lune (auquel tu faisais référence)

Quand tu parles de ce dernier d'ailleurs, c'est une vision libertarienne (anarchiste de droite quoi) de la guerre d'indépendance américaine. Il s'agit d'une société dans laquelle l'expérience de la violence est formatrice, l'Amérique est magnifiée (sous la forme de sa constitution), l'individualisme forcené est perçu comme une vertu.
Les militaires de la Terre sont une métaphore de l’Angleterre et de ces sociétés européennes coincées dans le passé qui ont permis aux "hommes nouveaux" de la frontière, réunit entre eux uniquement par intérêt et surtout pas par idéal, d'atteindre leur plein potentiel grâce à expérience de la violence (de l'environnement, de l'exploitation, d'une société sans lois écrites...). Le livre raconte littéralement l'avènement de ces nouveaux héros.

Ce n'est absolument pas incompatible avec Étoiles, garde à vous, ou l'institution militaire n'est pas un outil au service des puissants mais bien un creuset formateur des citoyens et une institution de réalisation personnelle.
en gros c'est un peu une  suite, on pourrai dire, l'aboutissement du plein potentiel de l'homme nouveau dans sa conception Nietschéenne. D'ailleurs Heinlein n'est pas toujours militariste et n'est jamais raciste dans aucun de ses livres (et c'est tout à son honneur) mais déploie le message que l'homme est naturellement impérialiste et dominateur et que les meilleurs doivent pouvoir exprimer cette puissance (symbolique pour En terre étrangère, qui est un roman pacifique) car cela produit la fin de l'hypocrisie.

Et pour le sexisme : dans Étoiles, garde à vous il y a des femmes, ce sont les pilotes de vaisseaux qui doivent impérativement rester en arrière et ne pas se confronter à la violence. On évoque aussi celles qui restent à la maison. Aucune n'est soldat, c'est à dire le personnage typique du surhomme. c'est un thème récurent dans ses livres : les femmes y sont strictement des créatures complémentaires à l'homme (ou parfois juste des objets sexuels consentants) qui est lui le véritable sujet capable de posséder l'Impérium pourrait on dire et de l'exprimer comme force de changement.

PounetBF:
Et donc j'écris quelque remarques:  ;)
- concernant le film : j'y suis allé avec ma fille de 16 ans qui comme moi avait bien aimé le livre. A la sortie on s'est regardé et on avait le même sentiment: on était extrêmement déçu. Parce que ayant percu le livre comme une histoire d'évolution d'hommes et de relations entre individus on espérait trouver la même chose dans le film. Et on avait vu un mauvais film moitié catastrophe moitié horreur qui privilégiait des images impressionnantes au détriment du scenario. Du superficiel sans aucune profondeur...

- Concernant le livre : ne pas oublier qu'il a été écrit il y a plus de 60 ans (quasiment 3 générations) par un homme né il y a 113 ans. Par et pour des personnes qui avaient vécu la seconde guerre mondiale et en avaient un souvenir encore vif.  Donc vouloir le juger sur des critères actuels (le sexisme par exemple) n'est pas pertinent. On peut aussi accuser Zola ou Hugo, Nietzsche ou Marx (voire Platon) d'être sexistes, mais par rapport au mode de pensée de leur époque aucun ne l'était.

Ce que je note c'est que des personnes différentes y ont trouvé des contenus different (je l'ai même fait lire à une personne qui l'a accusé d'être une apologie de la dictature militaire, ce qu'il n'est pas). Je crois que c'est un critère pour dire que c'est un bon livre, même s'il a vieilli.

je crois qu'on est d'accord sur un point : le film et le livre sont très différents...

Ce livre remet aussi en cause un dogme en posant une question interessante : "pourquoi le suffrage doit-il être universel ?" avec le corollaire : s'il ne l'est pas, quels sont les critères pour être électeur ? Personnellement je n'ai la réponse à aucune de ces questions.

Kynan:
Tu parles bien de "Etoiles, Garde à vous" ? Mieux vaut préciser dans ton post :)

Sinon, si quelqu'un a la version livre de cette oeuvre (papier ou pdf), je suis preneur... Pas lu à ce jour. Enfin, je crois.

Radric:
Mon exemplaire est chez mes parents. Je vérifierai demain si j'ai la copie pdf sur mon PC.

Loïc:
Merci Bertrand pour le fil !!!

Bon, pour Heinlein.... Les critiques de Sylvain sont en effet celles que j'entends/lis le plus souvent sur Heinlein. Le problème, c'est qu'on tente de le faire rentrer dans une "petite case" réductrice, alors qu'il me semble que la pensée d'Heinlein est un peu plus complexe que cela (c'est toujours le cas dans ce type de critique...).

Racisme : Heinlein est un Républicain, pas de problème là-dessus. Il était un soutien de Reagan. On peut sans peine le qualifier de conservateur. Pour autant, il n'est pas réactionnaire, et encore moins raciste (comme Sylvain le fait lui-même remarquer). Et puis, il y a Citoyen de la galaxie (qui précède Etoiles, garde à vous !). Le personnage principal est décrit a minima (souvent le cas chez Heinlein) et le lecteur de SF moyen de l'époque l'identifie naturellement comme un "caucasien" conforme et bon teint. Jusqu'à ce que le personnage soit explicitement décrit... Heinlein emploie là aussi la satire, aux dépends même de ses lecteurs (éduquer le lecteur, ça fait partie du job...).

Militarisme : oui, le soutien d'Heinlein au programme Guerre des Etoiles de Reagan montre qu'il est pour l'existence d'une armée. Mais chez Heinlein, l'armée a une vocation dissuasive (comme le programme Guerre des Etoiles initialement). Il le dit assez dans Etoiles... et l'emphase militariste du roman qui s'ensuit dénonce au second degré le lavage de cerveau de la formation militaire (Rico, dans le roman, ne se pose aucune question et son conditionnement est assumé et explicité par l'auteur). Ce n'est pas contradictoire avec le pacifisme de En terre étrangère. Heinlein n'est pas militariste (au sens d'une société militaire) et nourrit des aspirations pacifistes. Il est toutefois éminemment pragmatique et en aucun cas un utopiste, l'armée est pour lui une nécessité pour le maintien de la paix. C'est bien un cynique, mais par un militariste dans le sens d'une société sous commandement militaire (ou légitimation de la citoyenneté par l'armée - c'est là aussi de la satire).

Libertarianisme : non, vraiment pas. D'abord, un des fondements du libertarianisme est un libéralisme accru fondé sur la propriété individuelle. Heinlein ne parle pas beaucoup d'économie politique, en tout cas ce n'est pas un sujet qu'il développe. Son soutien à Reagan m'incite à penser qu'il est un néo-libéral, point barre. De plus, le libertarianisme préconise souvent (mais pas systématiquement) la disparition de l'Etat, ce qui n'est pas le cas de Heinlein. L'Etat, quelle qu'en soit la forme politique ou la légitimation, existe bien et il ne conçoit pas son absence (même dans Révolte sur la Lune). Heinlein demeure un Républicain, et c'est sans aucun doute un individualiste. Mais ça, on en trouve dans tous les engagements politiques. Je pense à Norman Spinrad, au hasard...

Sexisme : ce n'est pas parce que Heinlein privilégie les personnages principaux masculins qu'il est pour autant sexiste. C'est sans doute une question d'affinité / de projection de l'auteur. Tout le monde n'est pas D.H. Lawrence !!! Dans Etoiles..., oui le corps d'infanterie est essentiellement masculin, et les femmes sont pilotes. Elles ne sont pas pour autant inférieures. Il me semble me souvenir que dans le vaisseau de transport de l'unité de Rico, l'organisation est du coup parfaitement matriarcale, avec une révérence sincère des bidasses envers les pilotes. Même chose dans Citoyen de la galaxie, les femmes sont bien des personnages secondaires (n'étant pas le principal) mais sont à la fois des personnages bien étoffés, essentiels à l'intrigue et indispensables à un héros parfois justement plus passif...

La critique contre Heinlein ne me dérange absolument pas - je ne me sens d'ailleurs pas du tout en osmose avec lui... Ce qui me gêne, c'est la volonté à tout crin de vouloir l'enfermer dans une case prédéterminée de réactionnaire. Exactement comme Eastwood : encore certainement un conservateur, mais je doute qu'on puisse qualifier de réac ou de raciste l'auteur de Chasseur blanc, coeur noir, Gran Torino et autres (et c'est pourtant ce qu'on entend souvent)... Je ne suis pourtant pas non plus d'accord avec Bernard : être de son temps n'est pas toujours une excuse valable (même si c'est un facteur indispensable à la compréhension). Dès lors que DH Lawrence (un homme !) est capable d'écrire L'amant de Lady Chatterley en 1928, il n'y a plus d'excuse au sexisme (si tant est qu'il y en ait jamais eu...). Même chose pour le racisme : j'ai beau adorer l'écriture de Céline, il est là-dessus sans excuse.
Ce qui me gêne, c'est vraiment la "petite case" et la négation de la complexité de certaines personnalités. C'est facile, c'est sans doute réconfortant. Je ne cautionne pas pour autant l'engagement reaganien ni le pragmatisme militariste, et d'une manière générale les engagements de Heinlein, mais je ne le qualifierai pas pour autant de sexiste, libertarien ou autre. Je suis d'ailleurs convaincu qu'accepter que les petites cases puissent être débordées donne beaucoup plus d'espoir en l'être humain.

Tiens, d'ailleurs, j'ai cité Norman Spinrad (dont je me sens particulièrement proche pour le coup), et je serais très curieux de savoir ce que tu en penses, Sylvain.

EDIT : désolé pour ce post bien bien long...  ;D

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